8 Avril 2025, sur la route en Turquie

Rien que sur les aires d'autoroutes et dans mon bus, je le ressens. J'avance vers l'est. Déjà, on ne fait que me parler turc. Je ne comprends rien évidemment. J'ai un peu l'impression qu'on me crie dessus, mais quand je finis par comprendre, c'est toujours très gentil et bienveillant. Après quelques secondes d'incompréhension où je répétais « I don't speak Turkish », on me remet mon lacet dans ma chaussure ! Ma foi. J'ai hâte de découvrir plus de cette partie du monde. L'est. 🤩

On m'avait prévenu. Ça allait être un tournant. Je passerais moins de temps à rechercher des hôtes, mais on me proposerait de m'héberger. Et là, c'est ce qu'il vient de se passer. Je suis en train de dormir, toujours dans mon bus, et on me tapote sur l'épaule pour me réveiller. Évidemment, je ronchonne un peu en répétant, encore une fois, « I still don't speak Turkish… » 🙄 un peu désespérée car cela fait plusieurs fois que cette même dame essaie de communiquer avec moi. Elle me demande de sortir Google Translate. Et de là, une discussion un peu décousue, comme souvent sur Google Translate, commence. D'abord elle me dit que je suis fine et me demande où je vais (je pense que le « fine » s'est perdu en traduction). Puis elle me dit que c'est l'armée et qu'il faut faire attention ? Ça, je n'ai toujours pas compris de quoi elle parlait. Puis elle me demande si j'ai besoin d'un logement à Rize, la ville dans laquelle je vais. Je lui explique alors que je voyage, et que j'ai trouvé une famille pour m'héberger, mais c'est très gentil de sa part. Elle insiste en me demandant où est-ce que je les retrouve, où est-ce que je les attends. J'explique tant bien que mal que je ne sais pas trop encore, mais que ça va aller, j'ai l'habitude. Elle finit par me dire « n'interprète pas mal, je veux juste t'aider, tu me dis si tu as besoin de quoi que ce soit ». Je la remercie et lui demande alors son prénom. Merci Sesma. 🫶

9 Avril, Rize, Turquie

Ça y est, l'anglais se fait plus rare. Mais on arrive quand même à communiquer — la plupart du temps. On me parle en turc avec des gestes pour m'indiquer mon chemin, le prochain bus, les toilettes et autres. Je réponds d'un air assuré "Tamam, teşekkürler!" (d'accord, merci !) et on me sourit. ☺️ J'aime sentir que je m’éloigne, voir ce changement progressif, cette transformation des paysages et des cultures au fil de la route. C'est beau, fascinant, intrigant, mais c'est surtout tellement unique de pouvoir observer ce qui évolue ou ce qui persiste, à des rythmes différents.

Et ça, on ne peut certainement pas l'observer depuis son hublot d'avion à des milliers de kilomètres d'altitude, si tu vois ce que je veux dire. 😋

Je rencontre alors ma famille d'accueil à Rize. Après le dîner, je papote avec Buket de son mariage avec Metin. Elle me raconte alors un mariage traditionnel du Nord-Est de la Turquie. Ce qui me surprend le plus, c'est ce qu'elle me raconte de la cérémonie. Chaque invité vient à son tour déposer soit une petite pièce d'or sur une écharpe rouge que porte la mariée, soit un bracelet en or. Dans les deux cas, la personne qui officie le mariage annonce la personne et ce qu'elle a donné à la mariée. Par exemple : "La tante, 5 grammes d'or". La vache, c'est rude pour ceux avec des plus petits moyens ! 😅 Accroché à la pièce d'or, un petit ruban rouge porte le nom de la personne qui l'a donnée. Une fois la cérémonie terminée, la mariée, sa mère et ses sœurs se réunissent dans une salle, récupèrent chaque pièce d'or et notent minutieusement le nom du donateur et le montant du don. De cette manière, lorsqu'on est invité au mariage en retour de l'autre personne, on lui offrira exactement la même somme d'or que celle qui nous a été offerte. C'est fou, non ???

La maman offre également à la mariée de nombreux petits tissus brodés à la main. Je les ai aperçus dans plusieurs salles de bain turques chez mes hôtes, mais je n'avais jamais vraiment compris leur utilité. Buket m'explique qu'ils servent à se laver sous la douche. Elle me montre ensuite toutes les boîtes avec ses cadeaux de mariage. Metin me confie que c'est la première fois qu'il voit tout cela lui aussi. Buket n'utilise jamais tous ces cadeaux, mais c'est la traditionmon esprit d’environnementaliste ne peut s’empecher de penser ‘’quel gâchis !’’ 🥲 (et toi tu dois te dire, quelle relou ! hahaha). Elle me fait découvrir aussi ses foulards, tous délicatement brodés à la main sur les côtés avec de très jolis motifs. Et puis il y a les tapis de prière, eux aussi offerts généralement par la maman. Apparemment, la maman commence ses préparatifs de cadeaux de mariage dès que sa fille rencontre un copain — même avant dans les familles plus traditionnelles.

Handmade shower clothes offered to the bride

Handmade shower clothes offered to the bride

Praying mats also offered to the bride

Praying mats also offered to the bride

10 Avril 2025, Frontière Géorgienne

Ça y est. Presque deux mois après mon entrée en Turquie, je la quitte aujourd'hui. Ce passage de frontière n'est pas comme les autres. Encore une fois, je sens que j'avance à l'Est. Et puis je traverse en tant que piétonne. Les autres fois, c'était avec un bus ou un train. Cette fois-ci, j'ai pris un minibus local jusqu'à la frontière puis je traverse à pied. C'est chaotique, il y a plein de monde, ça crie, ça trimballe des kilos d'affaires dans des grandes poches plastiques. Je ne sais pas trop ni quoi faire ni où aller, mais j'avance d'un air assuré en suivant les personnes de mon minibus. Je passe d'abord le contrôle turc. Le douanier m'observe comme si j'étais une extraterrestre. Il me demande d'enlever mes lunettes et de le regarder dans les yeux. Ça dure bien 40 secondes. Il regarde ma photo sur mon passeport, puis il me fixe. On dirait qu'il doute que ce soit bien moi sur la photo. Étonnant car ma photo n'est vraiment pas vieille et je me ressemble vraiment dessus. Bon, il finit par me rendre mon passeport. Je passe ensuite la douane géorgienne. La dame me dit 'Tu es seule ici ?' Je réponds 'Oui, seule'. Et d'un coup ça me prend encore. Je réalise comme c'est fou d'être en train de traverser cette frontière, à pied, partie depuis la France il y a bientôt trois mois. Me voilà en Géorgie. Un nouveau pays que j'ai très hâte de découvrir. 🇬🇪

11 Avril 2025, Batumi, Georgie